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Paris accuse le renseignement iranien d’avoir commandité le projet d’attentat de Villepinte

Selon une source diplomatique française, Téhéran était derrière une opération visant un rassemblement de l’opposition iranienne en France en juin.

Par  (Bruxelles, bureau européen), et (avec AFP et Reuters)

Publié le 02 octobre 2018 à 09h47, modifié le 03 octobre 2018 à 16h16

Temps de Lecture 5 min.

Perquisitions administratives au centre Zahra France de Grande-Synthe (Nord), le 2 octobre.

Paris a mis en cause Saeid Hashemi Moghadam, un vice-ministre du renseignement iranien chargé des opérations, et a gelé ses avoirs, mardi 2 octobre. Celui-ci a « commandité » l’attentat déjoué contre le rassemblement le 30 juin des Moudjahidin du peuple iranien, à Villepinte (Seine-Saint-Denis), a annoncé une source diplomatique française au Monde, à l’AFP et à Reuters.

Cette annonce fait suite à plusieurs mois d’investigations menées dans la plus grande discrétion par les services français en lien avec certains partenaires étrangers, notamment israéliens, belges, allemands et albanais — l’Albanie étant une base des Moudjahidin. L’enquête « montre sans aucune ambiguïté la responsabilité du renseignement iranien dans ce projet d’attentat », assure cette source, pour qui ce « n’était pas acceptable » : « Nous ne pouvons tolérer aucune menace de cet ordre sur le territoire national. »

Les ministres des affaires étrangères, de l’intérieur et de l’économie ont annoncé dans un communiqué commun le gel des avoirs en France de la direction de la sécurité intérieure du ministère du renseignement iranien et de ceux de deux ressortissants iraniens, dont Saeid Hashemi Moghadam. Quelques heures auparavant, une vaste opération de perquisitions administratives avait eu lieu à Grande-Synthe (Nord) chez douze personnes âgées de 31 à 69 ans en lien avec une association musulmane chiite pro-iranienne, proche du Hezbollah libanais : le Centre Zahra France, installé dans la région depuis 2005.

Selon une source proche du dossier, cette intervention à Grande-Synthe est un « signal envoyé » par Paris à l’Iran, même si, sur le plan procédural, rien ne la relie à l’attentat déjoué. Les services français travaillaient depuis plusieurs mois sur l’association Zahra en raison de son prosélytisme religieux. Il a donc été décidé de faire coïncider les perquisitions avec la publication de deux arrêtés de gels d’avoirs au Journal officiel. Le premier visant la direction du ministère du renseignement iranien en France, le second Zahra France, quatre associations qu’elle hébergeait et quatre des personnes perquisitionnées mardi.

« Sous le contrôle direct du Guide de la révolution »

L’Iran a immédiatement démenti les accusations d’implication dans le projet d’attentat de Villepinte d’un de ses diplomates, Assadolah Assadi, dont les avoirs ont également été gelés par Paris. « Une fois encore, nous démentons avec véhémence ces accusations, nous condamnons l’arrestation de ce diplomate et nous appelons à sa libération immédiate », a déclaré le ministère des affaires étrangères iranien.

D’après le parquet de Bamberg, en Bavière, Assadolah Assadi est un haut responsable des services iraniens, chargé de la surveillance des opposants. C’est lui qui aurait transmis les explosifs destinés à l’attentat. Il a été arrêté en Allemagne, alors qu’il s’apprêtait à fuir en Autriche, où il bénéficie de l’immunité diplomatique. Et doit être extradé vers la Belgique, selon une décision annoncée le 1er octobre.

Après l’attentat déjoué, Téhéran avait accusé l’Organisation des Moudjahidin du peuple iranien — interdite dans la République islamique — d’en avoir été elle-même à l’origine. L’Iran a dénoncé une « manipulation » destinée à nuire à ses relations avec Paris, principal défenseur de l’accord international de 2015 sur son programme nucléaire, après le retrait des Etats-Unis, en mai.

L’attentat déjoué visait le rassemblement du conseil nationale de la résistance iranienne qui s’est tenu à Villepinte (Seine-Saint-Denis) le 20 juin.

Une défense intenable, selon les autorités françaises, qui estiment justement avoir pris, ces dernières années, « toutes les dispositions » pour que l’Organisation des Moudjahidin du peuple iranien ne cause plus « aucun trouble à l’ordre public et ne puisse mener aucun attentat depuis notre territoire ». Des personnalités proches du président américain, Donald Trump, comme son avocat Rudy Giuliani, assistaient au rassemblement de Villepinte.

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Paris a vivement réagi, mardi, parce que le ministère du renseignement iranien est considéré comme étant « sous le contrôle direct du Guide de la révolution », Ali Khamenei, la principale autorité du pays, a précisé la source diplomatique française interrogée par Le Monde.

Pôle « d’ingérence » de Téhéran

Le gel des avoirs décidé par Paris, d’une durée de six mois, fait partie du « catalogue standard » des mesures de rétorsion possibles, a tenu à rappeler cette source. Les autorités françaises y ont déjà eu régulièrement recours dans le cadre de la lutte contre l’impunité de l’emploi d’armes chimiques, visant des sociétés soupçonnées de travailler pour le programme syrien.

Le délai qui s’est écoulé depuis le mois de juin correspondrait au temps qu’il a fallu à la France pour y voir clair dans ce dossier. Soit « le temps de l’enquête (…), le temps d’exiger des explications, qui ne sont jamais venues, et le temps de prendre les sanctions », a justifié la même source. Une réaction motivée également par les morts suspectes, selon Paris, de plusieurs opposants en Europe depuis 2015, notamment aux Pays-Bas et en Allemagne.

Le Centre Zahra France de Grande-Synthe s’est retrouvé dans le viseur parce qu’il était considéré comme un pôle « d’ingérence et d’influence » de Téhéran dans l’Hexagone. Outre le gel des avoirs de ses membres les plus actifs et la perquisition de leur domicile, la préfecture du Nord a fermé leur salle de prière ; une mesure que prévoit la nouvelle loi sur la sécurité intérieure, qui permet la fermeture de lieux de culte où des « propos, idées ou théories » « provoquent à la haine ou à la commission d’actes de terrorisme ».

Le travail de surveillance des services de renseignement aurait permis d’étayer, selon nos informations, que les dirigeants de l’association légitimaient le djihad, marquaient ostensiblement leur soutien au Hamas palestinien et au Hezbollah libanais, et condamnaient de manière « ambiguë », selon une source proche du dossier, les attentats de l’organisation Etat islamique (EI) sur le sol français. De plus, l’antisionisme revendiqué du centre religieux dissimulait souvent, selon elle, des propos « clairement antisémites ».

Enjeux internationaux du dossier

Dans le cadre des perquisitions chez les membres de Zahra France — tous de nationalité française, sauf un Syrien —, plusieurs armes ont été découvertes, de chasse, de poing et un pistolet-mitrailleur. Certaines étaient détenues légalement, mais pas toutes. Trois personnes ont été placées en garde à vue pour détention illégale d’armes ; deux ont ensuite été déférées. Ce motif de poursuites est toutefois anecdotique face aux enjeux internationaux du dossier.

Le responsable du centre Zahra France, Tahiri Jamel, après la perquisition administrative, à Grande-Synthe (Nord), le 2 octobre.

Le fond de l’enquête est aujourd’hui judiciarisé en Belgique, à laquelle la France a remis un suspect, un certain Mehrdad Arefani, arrêté peu après la tentative d’attentat. Le jour du rassemblement de Villepinte a été arrêté, à Woluwé, en banlieue de Bruxelles, un couple d’Iraniens de 38 et 33 ans. Ils étaient en possession d’un demi-kilo de TATP. Selon les premières investigations, Assadolah Assadi, le diplomate iranien en poste à Vienne, leur aurait remis le mélange explosif et le dispositif de mise à feu à Luxembourg, quelques jours plus tôt.

Depuis leur interpellation, ces deux personnes se décrivent comme de simples opposants. Elles ignoraient tout, disent-elles, de ce qu’elles transportaient. Elles auraient été mises sous pression par Téhéran, et auraient fait l’objet de menaces ainsi que leurs familles. Au contraire, une source policière présente l’homme, un certain Amir S., ancien employé du port de Rotterdam (Pays-Bas), comme un agent iranien. Le dossier judiciaire qui a été ouvert à Anvers, où le couple résidait, comprendrait des documents le prouvant.

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