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Rencontres virtuelles, adieu les tabous

Près de la moitié des Québécois ont déjà eu un compte sur un site ou une application, révèle un sondage

Bloc couple
Photo courtoisie


Les sites internet, les applications de rencontre et les réseaux sociaux sont en train de devenir la façon numéro un pour rencontrer l’amour au Québec, selon un sondage.

Pour la première fois, le sondeur Léger et Le Journal ont cherché à savoir ce que les Québécois pensent vraiment des sites et applications de rencontre et comment ils les utilisent. Au cours des prochains jours, nous vous présenterons les résultats de ce sondage unique.

«Pour les millénaux, ce n’est plus la même game», souligne d’emblée Christian Bourque, vice-président exécutif et associé chez Léger. Chez les 18-34 ans, la façon la plus courante pour rencontrer un amoureux, c’est désormais les méthodes virtuelles.

Dans l’ensemble de la population, miser sur les réseaux sociaux et les sites de rencontre est aujourd’hui la deuxième façon la plus commune, nous indique le sondage. Le bon vieux réseau d’amis demeure la méthode la plus efficace.

«Au moins 20 % des répondants ont eu recours à des moyens virtuels pour rencontrer leur conjoint actuel, contre 27 % qui disent avoir été présentés par des amis communs», explique Christian Bourque.

Le sondage permet de constater que les personnes plus âgées sont moins au fait du phénomène. Mais si on regarde la tendance chez les moins de 55 ans, c’est plus d’une personne sur deux qui a déjà fait appel aux sites ou applications de rencontre et n’hésiterait pas à le recommander à un proche.

Tendance mondiale

La tendance s’observe partout. «On pense qu’en France, d’ici 2040, 80 % des rencontres seront issues d’un site de rencontre. Clairement, les gens se rencontrent beaucoup plus par ce moyen», affirme Fabienne Kraemer, psychanalyste française qui publie ces jours-ci le livre 21 clés pour l’amour slow.

«Dans les années 80-90 quand on disait qu’on allait sur des sites de rencontre, ça faisait sourire les gens, ajoute M. Bourque. Mais aujourd’hui, ce n’est plus tabou et ça ne fait pas du tout “perdant” de dire qu’on les utilise.»

François St-Père, psychologue spécialisé en thérapie de couple et auteur du livre L'infidélité, un traumatisme surmontable, est surpris de voir qu’une grande proportion de gens ont une opinion positive de ces sites.

«Dans mon bureau, je vois beaucoup de gens qui utilisent les sites de rencontre et qui vivent de la déception et du découragement, car il y a des personnes sur ces plateformes qui ne sont pas tout à fait honnêtes.»

Des profils bonifiés ou malhonnêtes, des personnes en couple, des personnes qui mentent sur leurs intentions, le rejet, la perte de temps... le risque d’être blessé est bien présent. «Il faut être fait fort. Le potentiel de rejet est assez considérable, car les gens deviennent aussi extrêmement exigeants», souligne M. St-Père.

 

Les hommes sont plus ouverts

Les hommes sont un peu plus nombreux à avoir tenté leur chance sur les sites de rencontre et ils en ont généralement une meilleure opinion que les femmes.

Ceci explique que plusieurs sites tentent d’attirer la gent féminine avec l’inscription gratuite. Réseau Contact dit avoir une proportion de 35 % de femmes pour 65 % d’hommes parmi ses membres, ce qui correspond à celle observée sur plusieurs sites ou applications.

Un peu plus désespéré, le site d’adultère Ashley Madison est allé jusqu’à inventer de faux profils de femmes, une pratique condamnée par Réseau Contact, notamment.

«Les hommes sont plus ouverts, mais chez les 18-34 ans, la différence tend à diminuer», dit Christian Bourque, de la firme Léger.

Les femmes sont aussi plus pessimistes. Ainsi, 42 % des hommes ne croient pas que les sites de rencontres sont efficaces, contre 51 % des femmes.

 

Ils trouvent l’amour grâce aux bagels

Bloc couple
Hugo Prévost et Consuelo Penaloza se sont rencontrés sur le site Ok Cupid. Le site met en contact des profils selon leurs affinités. Hugo et Consuelo avait des profils qui correspondaient à 79 %. Photo Pierre-Paul Poulin

«Joggeur cherche personne pour partager sentier, bibliothèque et bagels de chez Fairmount.» Le profil de cet homme a piqué la curiosité de Consuelo Penaloza.

Elle a répondu: «Tu t’es trompé, c’est les bagels de Saint-Viateur, les meilleurs.». Après neuf mois sur Tinder et Ok Cupid et des dizaines de rencontres, le cynisme guettait Hugo Prévost, à l’aube de la trentaine. Mais il a aimé ce trait d’humour.

Après quelques messages, elle lui a offert d’aller chez lui pour l’aider à classer ses livres. Elle a apporté des bagels. De Saint-Viateur, bien sûr. L’organisation des livres ne s’est pas terminée ce jour-là.

Leur histoire est banale, reconnaît Consuelo, 31 ans. Mais leur histoire est aussi très belle, et les fait sourire lorsqu’ils la racontent.

Elle n’y croyait pas

Elle ne pensait jamais trouver un conjoint sur les sites de rencontre.

«Je me disais que je n’étais pas ce genre de fille, j’avais peur que ce soit comme dans les bars où les filles sont comme des morceaux de viande, dit-elle. Je me disais que j’allais juste recevoir des photos de pénis.»

En deux mois, elle a effectivement reçu des tas de photos d’organes masculins. Mais elle a aussi rencontré l’homme avec qui elle partage aujourd’hui sa vie, et un appartement.

Essayer... pour voir

C’est une amie qui a créé le profil de Consuelo sur Ok Cupid, un soir où elles faisaient la fête. «C’était drôle. Puis après deux ou trois jours, j’ai décidé d’essayer pour vrai... pour voir», dit la jeune femme.

C’était en novembre 2014. Au départ, Hugo n’avait aucun préjugé à l’égard des sites de rencontre.

«À notre âge, ce n’est plus comme à l’université, où tu as accès à un grand bassin de personnes de ton âge. Mais vers 30 ans, tu ne veux pas “dater” une fille de la job, et à un moment, ton cercle d’amis est plutôt stable», explique-t-il.

Mais il a fini par déchanter. «Tinder c’était grisant sur le coup [...] mais c’est comme une drogue: tu vois 400 profils et tu veux toujours en voir plus au cas où il y aurait un meilleur match, j’étais tanné», raconte-t-il.

Fermer les comptes

Après deux mois de fréquentation, Consuelo et Hugo ont décidé de former un couple et de franchir l’étape fatidique: fermer leur compte Ok Cupid respectif.

Ils ont depuis emménagé ensemble et ont conçu une bibliothèque dont les livres sont, depuis quelques jours à peine, tous classés.

 

Faits saillants du sondage

 

Environ 70% des gens connaissent quelqu’un qui utilise ces méthodes (88% chez les moins de 35 ans).


30%: des 18-34 ans ont rencontré leur conjoint(e) actuel(le) sur les réseaux sociaux, sur un site ou sur une application de rencontre.


Croyez-vous que les sites ou applications de rencontre sont une bonne ou une mauvaise façon de trouver un conjoint ou une conjointe?

Oui (38%)

  • 18 à 30 ans: 50%
  • 35 à 54 ans: 40%
  • 55 ans et plus: 27%

Non (46%)

  • 18 à 30 ans: 37%
  • 35 à 54 ans: 47%
  • 55 ans et plus: 53%

Ne sait pas / Refus (16%)

  • 18 à 30 ans: 14%
  • 35 à 54 ans: 14%
  • 55 ans et plus: 20%

53%: des hommes croient que les sites ou applications de rencontre sont une bonne façon de rencontrer l’amour.


Sites ou applications

Tinder, Badoo, Mon classeur, OK Cupid ou Happn sont les plus populaires chez les moins de 35 ans.

Sur quel(s) site(s) ou sur quelle(s) application(s) de rencontre avez-vous ou avez-vous eu des comptes?

Réseau Contact: 35%

Badoo: 34%

Tinder: 23%

Mon classeur: 11%

Plenty of Fish: 10%

Match: 9%

Lavalife: 8%

Elite Singles: 6%

Ok Cupid: 5%

Grindr: 4%

Rencontres...: 3%

Happn: 2%

E Harmony: 2%

Bougex: 1%

Lesbian Romance: 0%

Autres: 21%

Parmi les autres sites de rencontres, notons:

  • Zoosk
  • Gay 411
  • Doyoulookgood
  • Québec Rencontres
  • Tagged
  • TWOO

Refus: 3%


Après un « match »

Habituellement, combien de temps vous faut-il avant de rencontrer quelqu’un en personne après un match sur un site ?

  • Quelques jours: 41%
  • Quelques semaines: 38%
  • Quelques mois: 10%
  • Refus: 11%

Selon notre sondage, près d’un homme sur deux dit attendre seulement quelques jours avant de rencontrer alors que chez la moitié des femmes, c’est plutôt quelques semaines.


Encourager un proche ?

Si une personne de votre entourage vous demandait votre opinion avant de s’inscrire à un site de rencontre, est-ce que vous l’encourageriez ou la décourageriez de le faire ?

Je l’encouragerais (49%)

  • 18 à 34 ans: 55%
  • 35 à 54 ans: 51%
  • 55 ans et plus: 41%

Je la découragerais (25%)

  • 18 à 34 ans: 24%
  • 35 à 54 ans: 23%
  • 55 ans et plus: 29%

Ne sait pas / Refus (26%)

  • 18 à 34 ans: 21%
  • 35 à 54 ans: 26%
  • 55 ans et plus: 30%

Combien de personnes avez-vous rencontrées en personne après un match ?

  • 1: 13%
  • 2: 16%
  • 3 à 5: 26%
  • Plus de 5: 21%
  • Aucune rencontre: 22%
  • Refus: 3%

Fréquence

À quelle fréquence consultez-vous les sites ou applications de rencontres ?

Plusieurs fois par jours

  • Total: 32%
  • Utilisateurs actuels: 26%
  • Anciens utilisateurs: 34%

Une fois par jour

  • Total: 31%
  • Utilisateurs actuels: 19%
  • Anciens utilisateurs: 35%

Quelques fois par semaine

  • Total: 22%
  • Utilisateurs actuels: 24%
  • Anciens utilisateurs: 22%

Quelques fois par mois

  • Total: 13%
  • Utilisateurs actuels: 24%
  • Anciens utilisateurs: 9%

Ne sait pas / Refus

  • Total: 3%
  • Utilisateurs actuels: 7%
  • Anciens utilisateurs: 1%

 


MÉTHODOLOGIE

Le sondage web a été réalisé par Léger du 20 au 25 septembre 2016, auprès de 1002 Québécois de 18 ans et plus s’exprimant en anglais et en français. La marge d’erreur est de plus ou moins 3,1 %, et ce, dans 19 cas sur 20.


 

Ils donnent un coup de pouce au hasard depuis 20 ans

Bloc couple
Depuis 20 ans, Réseau Contact est le chef de file des sites de rencontre québécois. Dans son histoire, plus de deux millions de comptes ont été créés sur le site. Sur la photo, Suzanne Moquin, présidente de Réseau Contact. Photo Ben Pelosse

Lorsque le site de rencontre Réseau Contact est apparu sur la toile il y a 20 ans, l’univers des rencontres virtuelles est devenu accessible aux célibataires québécois.

«Quand on est arrivé en 1996, on était les pionniers puisqu’on était le seul site de rencontre sur internet au Québec», explique la présidente de Réseau Contact, Suzanne Moquin.

En 1996, la chanson La Macarena jouait en boucle dans les radios et les jeunes adoptaient les animaux virtuels japonais Tamagotchi. Pour donner un coup de pouce au hasard, une personne célibataire pouvait placer une petite annonce dans le journal.

«Il y avait les boîtes vocales téléphoniques, tu entrais un code pour aller écouter des messages», rappelle Mme Moquin.

Jusqu’à 2003, les sites de rencontre sont restés un phénomène relativement marginal.

«Je n’ai pas les chiffres exacts de l’époque, mais peu de gens pouvaient utiliser les sites de rencontre», dit la présidente.

Démocratisation

La démocratisation d’internet et des cellulaires a permis à ces sites de gagner en popularité.

«Les statistiques américaines démontrent que la majorité des gens commence à voir les sites de rencontre comme un environnement sain, précise André Leblanc, vice-président marketing de Mediagrif, qui possède Réseau Contact. Mais je n’irais pas jusqu’à dire que ce n’est plus du tout tabou.»

Ce peut être lié à une certaine gêne d’être encore célibataire, à un certain âge, suggère-t-il. «Mais on voit qu’il y a moins de gêne pour un couple de dire qu’il s’est rencontré sur un site de rencontre», poursuit-il.

L’arrivée de Tinder en 2012 et sa très grande popularité auprès des jeunes n’a pas pour autant changé la donne chez Réseau Contact, outre le fait que la multiplication des acteurs a forcément encouragé les entreprises à vouloir «améliorer l’expérience du client».

«On continue d’être un site qui vise la catégorie 30 ans et plus dans un objectif de relation de vie un peu plus durable que les rencontres éphémères», dit Mme Moquin.

Plus classique

On trouve maintenant sur internet des sites de rencontre plus classique pour rechercher des profils. Puis il y a aussi des sites de «matchs» qui proposent des profils en fonction des affinités. C’est le cas notamment de eHarmony, elite single, Ok Cupid. Réseau Contact chevauche ces deux types de sites.

Et il y a le «social dating» avec des applications comme Tinder ou Badoo, où l’intention est peut-être un peu moins sérieuse, suggère M. Leblanc. S’ajoutent les sites de «rencontre pour adultes» comme Ashley Madison et finalement les sites plus nichés par thème comme la religion (ChristianMingle.com), les activités (RencontreSportive.com) ou les rencontres homosexuelles comme Grindr.

On trouve même une application, Spoonr, pour ceux qui souhaitent juste s’échanger des câlins platoniques.

 

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